La gamification, levier de développement de l’engagement


 

clean-swell-applications-android-sur-google-play

Depuis des années, les bénévoles de Ocean Conservancy collectent des déchets durant la journée internationale de nettoyage des côtes, en consignant le résultat avec papiers et crayons.

En septembre, plus de 7 500 personnes sont passés à une nouvelle application mobile.

Cela leur a permis de gagner des badges digitaux en récompense de leur travail, récompense qui devrait encourager les bénévoles à collecter des déchets plus fréquemment selon les espoirs des responsables de l’association.

Ocean Conservancy fait partie des associations de plus en plus nombreuses à se lancer dans la « gamification », en ajoutant des jeux interactifs à leur programmes de volontariat ou de collecte.

 

Susanna Pollack, présidente de Games for Change, estime que « l’expérience ludique augmente l’implication et attire des volontaires plus motivés ».

 

 

Des partenariats générateurs de revenus

 

Certaines ONG appuient leur mission sur des jeux. C’est le cas de iCivics, créée par Sandra Day O’Connor, ancienne juge à la Cour Suprême, qui développement des jeux en ligne éducatifs.

icivics-free-lesson-plans-and-games-for-learning-civics

D’autres collaborent avec des éditeurs de jeux en lignes, ainsi qu’avec les joueurs, pour lever des fonds. Zynga.org, division nonprofit de l’éditeur de jeux Zynga, a travaillé avec des ONG telles que Water.org et Toys for Tots, pour collecter des millions de dollars via des achats effectués dans FarmVille ou d’autres jeux.

Save the Children travaille avec le célèbre gamer Bachir Boumaaza, qui encourage les utilisateurs de sa plateforme de streaming GamingForGood à faire des dons.

 

Mais des associations se contentent d’incorporer à leur stratégie de collecte des caractéristiques qui font le succès d’un jeu, telles que la compétition et le sentiment d’urgence. C’est ce que pense Nirvani Pfeiffer, CEO de GoodWorld, qui utilise la gamification pour aider les ONG à collecter via les réseaux sociaux.

Cette plateforme a ainsi organisé un championnat de petits chiens, qui permettait de voter pour son animal favori en faisant un don. La collecte a été de 22 000$ pour les associations partenaires.

Le don doit être ludique, selon M Pfeifer.

 

Brackets for Good  va dans ce sens en profitant de la passion entourant le championnat NCAA de basketball. L’association organise un « tournoi de don en ligne » impliquant les ONG de diverses villes.

En 2016, la compétition a permis de collecter plus de 1,3 millions de dollars avec près de 11 800 dons.

Ce tournoi permet de « transformer un donateur » en fan, précise Matt McIntyre, cofondateur de Brackets for Good.

 

Mission et Ressources

Beaucoup d’argent peut être  collecté en puisant dans l’industrie du jeu, dont le revenu 2015 s’élevait à 23,5 milliards de dollars.

half-the-sky-movement-the-gameEn 2013, Games for Change a créé Half the Sky avec le studio de développement Frima et le producteur Show of Force.

Il s’agit d’un jeu de rôle tiré du livre du même nom, sur le thème de l’exploitation de la femme et des jeunes filles. Le jeu met le joueur en situation, et offre des opportunités de donner : les achats effectués étant directement des dons, ou des invitations faites aux partenaires de donner livres ou matériel chirurgical aux femmes dans le besoin.

En 3 ans, la collecte a atteint 500 000$, et attiré plus de 1,3 millions de joueurs.

Comme le précise Kathryn Dutchin, directrice associée au Center for Games and Impact de l’université d’Arizona, « Jouer augmente l’empathie. Le joueur se met vraiment à la place des autres ».

 

Un coût élevé

M Pollack indique que le prix à payer peut être élevé, allant de 25 000$ pour une simple application mobile, à plus de 3 millions pour un jeu avec une animation élaborée et de nombreux niveaux.

Ceci pour la seule conception, et sans compter les frais de marketing et de diffusion. Le coût de développement de Half of Sky a représenté 600 000$, auxquels il a fallu ajouter la même somme en frais de marketing et de distribution.

Clean Swell, la nouvelle app d’Ocean Conservancy, a coûté jusqu’à présent 100 000$.

C’est un investissement significatif, mais Allison Schutes (cadre dirigeant du groupe) espère que cette app se révélera un bon investissement. Selon lui, cela réduira les frais de collecte de données, permettra d’attirer une nouvelle génération de volontaires.

Utiliser l’app permet non seulement au volontaire de mesurer son impact sur l’environnement, mais également d’augmenter son niveau de reconnaissance sociale, en gagnant par exemple un badge de sauveur de tortue.

L’association compte mettre en avant l’app, et ajouter des fonctionnalités qui la « sociabilise » en permettant aux joueurs de devenir amis les uns des autres, et de se défier.

« Nous fondons de grands espoirs dans la gamification » conclut Mme Schutes.


publication originale : The Chronicle of Philanthropy https://www.philanthropy.com/article/Games-Add-Competition/237386




L’inactivisme : LIKER n’est pas DONNER


vu ici sur l’atelier, une information sur une étude universitaire, réalisée par Kirk Kristofferson (Sauder School of Business).

Cette étude porte sur la nature du slacktivism (traduit ici par « inactivisme »), et analyse en quoi la visibilité sociale d’un support symbolique en faveur d’une cause peut ou non impacter des engagements ultérieurs concrets en faveur de cette même cause.

Il est bien évident que pour une ONG, et comme le met en avant cette campagne 2013 de l’UNICEF Suède (« Likes Don’t Save Lives »), l’implication sur les réseaux sociaux n’est pas une fin en soi.

[iframe http://www.youtube.com/embed/RwZEjiSHOqc 840 600]

Quelques exemples de support symbolique :

  • Porter un bracelet ou un badge supportant une ONG
  • Liker une page Facebook
  • Suivre une ONG sur Twitter
  • Signer une pétition

Un support symbolique est caractérisé notamment par le fait qu’il entraine peu d’effort et qu’il est peu couteux, à la différence d’un support impactant, qui d’une part réclame un véritable investissement et d’autre part a un effet tangible pour la cause supportée.

Ce travail de recherche explore les conditions à remplir pour que le premier support symbolique puisse être suivi par des engagements impactants.

On trouvera dans le document complet ici (sur jstor) ou (sur pegasso), l’ensemble des hypothèses et des études, dont nous reprenons quelques aspects ci-dessous :

  • Quand le premier engagement symbolique a une forte visibilité sociale (il est fait en public), il est suivi d’un moindre engagement impactant que lorsqu’il  a une faible visibilité sociale
  • Principe de la caution morale : réaliser un engagement social pour une cause ouvrirait un « droit » à mener ultérieurement des actions moins morales ou charitables. Comme si la valeur morale totale de ses actions tendait vers zéro.
  •  L’effet pied dans la porte : étude menée en 1966 (Freedman et Fraser) : des ménagères sont contactées pour une première petite enquête sur des aspirateurs. Une seconde vague d’enquête est menée quelques jours plus tard sur 2 populations : la population A des personnes ayant déjà été interrogées, et une population B n’ayant jamais été interrogée. La population A répond de façon significativement plus importante.
  • Principe de la première marche, qui tendrait à prouver qu’un premier engagement minime est nécessaire pour passer à un engagement plus important.